Initiation au baguage d’oiseaux avec le camp de la roselière de Noyant

Écrit part Bastien

C’est en lisant la newsletter mensuelle de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) Anjou, que j’ai pu participer durant deux matinées au camp de baguage de la roselière de Noyant, à Soulaire-et-Bourg, une commune rurale au dessus d’Angers. Le nombre de places est limité et l’inscription se fait à l’avance auprès du responsable du camp qui s’occupe de gérer les bénévoles et le matériel.

 

Mettre la bague à la patte

A l’instar d’un mariage, l’action de baguer consiste à refermer sur la patte de l’oiseau un anneau de métal. Cet anneau peut être de différents diamètres selon la taille de l’oiseau et de différentes matières selon son mode de vie. Par exemple si l’oiseau vit dans un milieu aquatique, il est pratique d’avoir une bague en inox !

C’est bien beau de leur mettre des bagues mais à quoi ça sert ? Les passionnés d’oiseaux ne font pas cela que pour le plaisir, il s’agit avant tout d’une démarche scientifique visant à récolter des données sur des populations d’oiseaux. Chaque volatile qui est bagué devient unique aux yeux des scientifiques, grâce au numéro d’identification gravé sur sa bague. Cela permet de suivre individuellement nos amis à plume pour connaître leur état de santé et savoir ce qu’ils font dans la vie :

  • Connaître les voies de migration.
  • Connaître les zones d’hivernage .
  • Connaître les zones de nidification.
  • Mesurer le nombre d’individus d’une espèce et assurer son suivi dans le temps.
  • Mesurer des paramètres physiques d’une espèce et sa santé (poids, longueur de l’aile, réserves de graisse, présence de parasite,  etc).

En récoltant toutes ces données sur un même lieu et sur une période de temps de plusieurs années, on peut finir par savoir quels sont les oiseaux qui vivent sur le site, le nombre d’espèces présentes, si ils vivent là à l’année ou s’ils migrent… C’est une masse d’informations précieuse pour mieux connaître et protéger nos chères têtes de piaf !

 

Le camp de baguage de la roselière de Noyant

La roselière de Noyant se situe non loin d’une rivière. Elle est localisée dans ce qu’on appelle les Basses Vallées Angevines ou BVA pour les intimes. Les BVA se caractérisent notamment par la présence de prairies humides et celle-ci ne fait pas exception ! Le camp se situe dans une grande plaine, entre champs cultivés et zones broussailleuses, plus sauvages, avec une roselière toute proche. C’est la présence de cette roselière qui est intéressante puisque de nombreux oiseaux aiment vivre cachés dans cette jungle dense de roseaux : cette masse végétale offre protection, nourriture et aussi le gîte pour certains oiseaux qui y nidifient.

Logistique et organisation du camp

La journée démarre à partir de 5h30 du matin,  l’équipe se réunie autour de la table de baguage, les yeux encore collés par un réveil douloureux. On parle peu, les plus réveillés consultent l’heure en pariant sur l’identité de leurs premières prises, les autres observent calmement l’horizon qui s’éclaire d’une lumière rosée.

Le camp s’organise autour de 6-8 personnes en moyenne dont 2 bagueurs professionnels qui détiennent un permis de baguage. Ce sont eux qui dirigent l’activité du camp et composent les équipes de bénévoles. Il y a besoin d’équipes car les filets de capture ne sont pas aux mêmes endroits et les 2 équipes devront inspecter les filets dans des zones précises. A chaque tournée, les équipes choisissent quelles zones prospecter. Ainsi elles ne se marchent pas sur les pieds et c’est bien plus efficace pour ne pas faire trop attendre les oiseaux pris dans les filets. C’est qu’ils peuvent prendre froid le matin et inversement, chaud lorsque le soleil se met à cogner ! Chaque tournée est espacée de 30 minutes, un temps qui permet de laisser les oiseaux se faire piéger en nombre suffisant mais aussi pour pouvoir les baguer, peser, etc… entre deux tournées.

Un chasseur sachant baguer sans son chien

D’ailleurs, qui c’est qui a posé ces filets ? Et pourquoi donc que les oiseaux se prennent bêtement dedans ?! Mes chers amis, du calme. Le baguage est une activité extrêmement précise et tout est prévu par nos deux bagueurs assermentés. Ces filets ressemblent à ceux dont on se sert au badminton sauf que ceux-là sont très fins, pas très tendus pour que les oiseaux ne rebondissent pas dessus. Ces filets possèdent une poche où tombent les oiseaux une fois entrés en contact avec les mailles. Ils sont posés au tout début de la période de baguage et chaque matin, les filets enroulés sur eux-même sont re-déroulés par les premiers arrivés.

Les oiseaux se prennent dedans grâce à un stratagème fourbe utilisé par nombre d’ornithologues : la repasse. Il s’agit de mettre à proximité du filet, un peu caché dans la roselière, un haut-parleur qui va gazouiller des chants et des cris de l’espèce voulue. A priori nos oiseaux n’arrivent pas à distinguer le vrai du faux, puisque persuadés qu’il y a des voisins actifs à proximité, ils viennent voir de plus près et se font prendre dans les mailles inextricables du filet. On n’a plus qu’à cueillir les malheureux comme des fruits mûrs !

Durant mes deux matinées d’activité, j’ai pu observer (et parfois manipuler) plusieurs espèces caractéristiques du milieu de la roselière et des prairies humides en France :

  • Le Phragmite aquatique
  • Le Phragmite des joncs
  • La Locustelle tachetée
  • La Locustelle luscinoide
  • La Rousserolle effarvatte

Ce sont tous des oiseaux de la famille des passereaux (tel le rouge-gorge), de petits oiseaux chanteurs en général. Leur taille leur permet de passer inaperçu au milieu des grandes herbes et des roseaux. De plus, leurs plumages oscillent souvent entre des tons bruns, marrons et jaunes : des couleurs qui correspondent à celles de leur environnement. En les regardant de près, on peut se rendre compte d’une multitude de détails permettant de les différencier… et puis ils sont vraiment très mignons !

 

Baguer un oiseau, tout un protocole

La façon de procéder est réglée comme une horloge puisque qu’il s’agit avant tout d’un protocole scientifique destiné à augmenter l’efficacité de la collecte en réduisant au maximum les risques pour les oiseaux. En tant que débutant j’ai surtout observé et posé des questions. Malgré tout, j’ai pu démailler du filet quelques oiseaux avec l’aide d’un bagueur expert. On m’a aussi proposé de saisir les données sur le bordereau de baguage et j’ai bagué mon premier oiseau !

Voici l’ordre dans lequel on agit à chaque tournée  :

  1. Chaque groupe parcourt la roselière par des sentiers étroits où sont posés les filets.
  2. On démaille les oiseaux des filets.
  3. Chaque oiseau est placé individuellement dans un petit sac de toile (pochon) porté autour du cou.
  4. Retour à la table de baguage, on suspend les pochons sur des tiges de fer portant le numéro du filet de capture.
  5. Deux personnes baguent les oiseaux et effectuent les mesures.
  6. Deux autres personnes inscrivent les données sur des bordereaux « de contrôle » si l’oiseau porte déjà une bague, ou de « baguage » si c’est un nouveau.
  7. Les oiseaux sont pesés puis relâchés.
  8. On boit une bière. (c’est une blague !)

Durant ce temps là, une personne peut retourner et secouer les pochons par soucis d’hygiène et les disposer prêt à l’emploi. On fait cela jusqu’à qu’il ne reste plus d’oiseaux de la tournée actuelle, ensuite on voit si les 30 minutes sont passées depuis la précédente tournée et rebelote jusqu’à midi ! Quel beau métier. A la toute fin, un bilan est fait par le responsable du camp et on peut savoir combien d’oiseaux ont été bagués, si on a repris plusieurs fois les mêmes oiseaux (cela arrive), combien proviennent de l’étranger, etc. A la fin de la saison, l’ensemble des données sont saisies dans un système informatique géré par le Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris.

 

Une belle expérience

J’ai été ravi de pouvoir participer à ces deux matinées. L’équipe est très sympathique et m’a initié en douceur à la technique du baguage, en prenant le temps de m’expliquer les gestes et la façon de faire. Si vous aussi vous aimez la nature, les oiseaux et êtes curieux de mettre un pied dans le monde de l’ornithologie, je ne peux que vous conseiller de vous rapprocher de votre association LPO locale pour savoir si un camp de bagage est ouvert aux bénévoles.

Je remercie l’équipe des bagueurs du 49 et vous dit à la prochaine pour un autre article !

Matériel photo utilisé
  • Fujifilm X-T1
  • Objectif XF 35mm